J’ai traversé une dépression post-partum

Quand on est une jeune maman, il est plus facile de parler des sourires de son bébé que des moments où l’on a envie de pleurer. Pourtant, les parents savent que l’arrivée d’un enfant est un immense chamboulement, qui met les corps et les têtes à rude épreuve. Jusqu’à parfois déboucher sur une profonde dépression. C’est ce qu’a vécu Perrine, qui a décidé de témoigner sur la dépression post-partum qu’elle a traversée. Une manière pour elle de faire entendre la douleur de ces mamans, et de contribuer à une meilleure prise en charge de ces situations.

J’ai traversé une dépression post-partum

Perrine est une jeune maman. Le bébé, les sourires, le grand bonheur… Elle avait tendance à beaucoup idéaliser ce moment. Mais ça, c'était avant. Quand elle a souffert de dépression post-partum, elle a eu beaucoup de mal à comprendre ce qu'il lui arrivait et à en parler. C'est ce qui la pousse aujourd'hui à partager son expérience. Et ce, pas pour inquiéter, mais pour dire que ça existe. Un podcast salutaire proposé par Fess'nett.

Je m’appelle Perrine, j’ai 32 ans, je suis enseignante et maman d’un petit garçon qui a deux ans maintenant et qui s’appelle Léo. 

Le post-partum, c’est la période qui vient après l’accouchement. C’est vraiment tout ce qu’il se passe après, d’un point de vue psychologique et physique. Le post-partum peut-être très facile pour certaines mamans mais pour d’autres comme moi, cela peut être très dur à vivre.

Mon accouchement s’est relativement bien passé par rapport à l’acte d’accoucher mais l’environnement, ce qu’il s’est passé juste avant, ça a été très compliqué. J’ai eu mes premières contractions le vendredi après-midi et j’ai accouché le samedi matin. Il y a une contraction que je n’ai absolument pas supporté, elle a duré une demi-heure et j’avais envie de me taper la tête contre le mur. À ce moment-là, je me suis dit « on va passer à la péridurale ». On m’a posé la péridurale, cela s’est mal passé, on a dû me la poser une deuxième fois, après ça a été. Puis, est venu le moment où l’on a dû me percer la poche des eaux et une demi-heure après, on m’a dit de pousser. Sauf que j’avais des contractions qui étaient au niveau de l’estomac et qui m’empêchaient de m’allonger. On a dû faire revenir l’anesthésiste pour qu’il me réinsère un autre produit, et j’ai fait une mauvaise réaction : une chute de tension de 14 à 6. Je n’avais plus possession de mon corps, j’étais là, je voyais mais j’étais incapable de réagir, de bouger. Je voyais que ça s’affolait autour de moi. Ce qui était compliqué à gérer, c’est de savoir que mon fils était en train de trinquer au niveau de son rythme cardiaque. Ce n’est pas l’idéal pour avoir à faire à un accouchement serein. Est venu le temps du post-partum, je pense que cela a beaucoup joué.

Mon fils était un enfant qui demandait énormément les bras car je pense que l’accouchement l’a traumatisé et qu’il avait besoin d’être rassuré, ce qui est totalement compréhensible. Par contre, moi j’étais fatiguée, extrêmement fatiguée. J’avais du mal à gérer tout ça, à gérer toute seule car le congé paternité ne dure que 11 jours, et ce n’est pas beaucoup. Maintenant il est passé à 28 jours, c’est chouette mais ce n’est toujours pas assez je pense. Pendant presque 3 mois, j’étais, ce que j’ai appris plus tard, en dépression post-partum. On dit que les mille premiers jours sont les plus importants mais pendant 3 mois, ça a été très compliqué pour moi, je ne l’acceptais pas. Il y a des jours où je le posais dans son lit car je n’en pouvais plus de ses pleurs et je partais, j’allais me mettre en boule dans une pièce à côté et j’envoyais des messages à son père en lui disant « j’en peux plus, il faut que tu viennes, il faut que tu rentres ». Cela m’est arrivé bien 3/4 fois par semaine pendant bien un mois et demi, deux mois. J’allaitais mon fils, et je pense que ça a sauvé notre relation. Je ne dis pas que si je ne l’avais pas allaité, je n’aurais pas eu de lien avec lui, mais je pense que ça a facilité le lien que j’ai eu avec lui et ça m’a obligé à accepter mon rôle de maman. Pendant dix minutes, un quart d’heure, je le regardais et je me disais « oui, c’est mon fils, il fait partie de moi. Je l’ai choisi, je l’ai voulu et il faut accepter ce rôle de maman ». Il y a des soirs où je regrettais ma vie d’avant mais en même temps j’étais contente d’avoir mon fils. Car depuis toute petite je voulais être maman et j’étais contente d’avoir un enfant avant mes 30 ans mais le fait d’être dans mon rôle de maman était très compliqué. Il m’est arrivé des nuits où il ne dormait pas, il pleurait à devoir sortir à 4 heures du matin pour faire des tours de pâté de maison avec la poussette pour faire en sorte qu’il dorme. Mais il ne dormait pas, il hurlait dehors et je n’étais pas bien car je me disais « je ne comprend pas ce qu’il a, je suis une mauvais mère, je n’arrive pas à le calmer. Il est dans mes bras, il pleure. Il est dans la poussette, il pleure. Il est au sein, il pleure. ». On ne savait pas comment gérer tout ça. À 4 heures du matin, on se dit que l’on va réveiller tout le quartier, on culpabilise et on rentre à la maison. Mais à la maison on ne supporte pas le bruit alors on ne sait pas quoi faire. Il y a des soirs où j’avais envie de me jeter par la fenêtre, je n’en pouvais plus. 

J’ai contacté, par hasard, la PMI de ma ville : c’est un réseau de puéricultrices qui sont à disposition des parents, gratuitement, que l’on peut appeler et qui peuvent nous aider dans ces moments là. Je les ait appelées par hasard car je me posais des questions sur l’allaitement et je ne savais pas vers qui me tourner. Au fur et à mesure de la conversation, on en est arrivé au fait que je ne vivais pas bien mon post-partum, que je n’en pouvais plus et que j’avais besoin de quelqu’un pour m’aider. Une puéricultrice est venue à la maison pour en discuter, pour voir ce qu’il se passait. C’est à partir de là que j’ai commencé à me sentir mieux, elle venait une fois par semaine et je revivais. Je n’avais pas encore mis de mots sur ce que je vivais. Pour moi, c’était dû à la fatigue car l’accouchement avait été sportif, que je n’avais pas dormi du vendredi matin jusqu’au samedi soir après l’accouchement. J’avais de la fatigue qui s’était installée et moi qui suis une grosse dormeuse, c’était un peu compliqué. Je mettais ça sur le dos de la fatigue, sur le fait que je n’arrivais pas à gérer tout ça. Je ne connaissais pas du tout le post-partum, je ne savais même pas que ce mot existait et je n’avais pas conscience que j’étais en pleine dépression. Jusque’à juillet, j’étais dans cet état de spirale infernale. Comme je ne dormais pas, j’étais en plus fatiguée. Et comme j’étais fatiguée, j’étais facilement énervée et je n’arrivais pas à gérer mon fils. Comme les enfants sont des éponges, il le sentait et on tournait en rond, c’était très compliqué. Et à côté de de ça, je ne voulais pas en plus donner mon fils. Je ne me voyais pas le donner à quelqu’un, le temps d’aller dormir. Je me disais « si il se passe quelque chose, comment va t-on faire ? Je n’ai pas envie qu’il meure ». Car il y avais l’angoisse de la mort subite du nourrisson : c’était de l’hyper-vigilance non-stop, et c’est ce qui m’a détruite au fur et à mesure. Ça a été très compliqué à gérer. 

Arrivé au moi de juillet, mon conjoint était en vacances. On est partis dans sa famille et c’est là où j’ai commencé à revivre un peu. J’ai pu confier mon fils à des personnes de confiance, je n’étais pas obligée de l’avoir non-stop collé à moi. Il pouvait dormir sur d’autres personnes que moi, ce qui était assez agréable car pendant les 3 mois il ne faisait que dormir sur moi ou son père. Ce qui m’a manqué c’était de dormir et pouvoir faire confiance à une autre personne. Je le regrette, de ne pas avoir fait confiance à d’autres personnes, car quand j’avais des rendez-vous médicaux et que je ne pouvais pas l’amener, je le confiait à une personne. Mais je me voyais mal de demander à une personne de le garder pour que je puisse aller dormir. Ça montrait clairement la faiblesse de la maman et ce n’est pas ce que l’on est censé montrer : on est censé montrer que l’on est des personnes fortes mais c’est un problème de vision de la société, je pense, alors que pas du tout. On a pu subir un accouchement compliqué, fatiguant, sportif et on passe par mille émotions d’un coup. Le premier, ce n’est pas évident car les copines essaient de nous préserver. Lorsque j’ai voulu en parler plus en détails aux copines, on se préserve énormément et je trouve cela dommage. Elles m’ont dît que cela est culpabilisant et dans tout ce que l’on voit, on ne montre pas ce côté dur après l’accouchement. Cela m’aurait aidé dans le sens où je n’aurais pas autant culpabilisé et j’aurais peut-être cherché à trouver des solutions, à essayer d’en parler à ma sage-femme. Parce que lorsque je voyais ma sage-femme pour la rééducation du périnée, elle me demandait comment ça allait et je disais « ça va ». J’avais peur de sa tête et que l’on m’envoie les services sociaux. J’aurais aimé savoir qu’il y a d’autres mamans qui ont vécu un post-partum et qu’elles ont trouvé des solutions, qu’il y a telle ou telle solution possible et que c’est tout à fait normal

Certaines nuits, quand il était 2/3 heures du matin, je postais des stories en mode « s’il-vous-plaît, aidez moi, mon fils pleure et je ne sais pas quoi faire, j’ai besoin d’aide ». Finalement, il y a des copines, des connaissances et des personnes avec qui je n’avais plus de contact qui m’ont écrit et m’ont fait déculpabiliser sur cette situation et m’on dit que ça se passait aussi comme ça, que ça allait passer et que c’était normal. Ça me faisait du bien car je me sentais moins seule. Il était toujours présent mais quand je lisais leurs messages, je destressais un peu. Mais ça n’empêchait pas que 2/3 heures après j’avais oublié les messages, je n’arrivais pas à gérer les pleures du petit et je repartais dans ma folie de « j’en peux plus, j’en ai marre et je n’arrive pas à gérer tout ça ». Les réseaux sociaux m’ont beaucoup aidé dans le sens où j’ai commencé à chercher pourquoi je n’arrivais pas à gérer cette phase là. J’ai commencé à lire des témoignages et je me retrouvais dedans. Je retrouvais des mamans qui étaient aussi en pleures non-stop. De lire que des mamans ont vécu ça, ça rassure énormément. Sauf que cela, j’ai commencé à le faire en vacances, au bout du troisième mois de mon fils. Encore aujourd’hui je continue toujours à lire ces témoignages qui me font déculpabiliser même si j’ai toujours cette sensation de « c’est normal » mais ça reste dur d’accepter que j’ai traversé cette période. Je n’ai pas cherché de soutien psychologique. Cela ne m’a même pas traversé l’esprit de me dire qu’il fallait aller voir quelqu’un. Pourtant je ne suis pas du tout fermée à aller voir un psychologue ou un psychiatre car j’en ai déjà vu pour d’autres raisons. Je n’ai même pas fait le lien avec le fait d’aller voir quelqu’un. Pour moi si c’était le cas, c’était quelqu’un en rapport avec l’enfant : soit un pédiatre ou une sage-femme. C’était les deux seules personnes qui me paraissaient les plus à même de m‘aider. Mais quand j’allais les voir, ce n’était pas pour autant que je leur en parlait. Je leur parlait du fait que pendant l’allaitement j’avais des crevasses, que j’étais un peu fatiguée mais que j’essayais de dormir quand il dort mais que vu que je faisais de l’hype-vigilance, je ne dormais pas forcément. Je ne rentrait pas dans les détails et ils ne cherchaient pas à savoir non plus. Ils ne cherchaient pas à me poser des questions, à savoir si ça se passait bien. J’étais livrée à moi même. Et même quand la puéricultrice de la PMI venait, je le cachais. C’était terrible, je me revois aujourd’hui à le faire : deux secondes avant qu’elle arrive j’étais en pleures et puis à l’arrivée tout allait bien. Il y avait cette part de honte, de montrer que ça ne va pas.

Pendant les cours de préparation à l’accouchement, je pense qu’il faudrait en parler. Expliquer aux mamans que ça peut arriver, qu’il n’y a pas de honte à traverser cette période et que ce n’est pas parce que vous êtes dans cette période que vous êtes une mauvaise mère. C’est important d’être préparée avant mais aussi pendant. Je pense que les sage-femmes, les médecins que l’on voit pendant les premiers jours et le suivi de la rééducation du périnée, devraient faire un questionnaire. Il existe un questionnaire pour savoir si l’on est en dépression post-partum. Maintenant quand je le fais, oui clairement c’était bien ça ! Si on m’avait fait faire ce questionnaire, on se serait rendu compte que j’étais en dépression post-partum. C’est quelque chose que j’ai découvert il y a un an mais j’en étais sortie. C’est vraiment dommage qu’il n’y ait pas de discussion, au moins un rendez-vous pour la maman chez un psychologue, que cela soit remboursé par la sécurité sociale ou la mutuelle à 100%. Au moins un rendez-vous pour le bien-être de la maman, pour savoir comment elle va et si elle arrive à gérer tout ça. Si j’avais su ce qu’il fallait faire avant, j’aurai pu l’arrêter beaucoup plus tôt. Le post-partum est quelque chose de tabou mais ça ne devrait pas. Quand je vois les témoignages de mamans sur internet, je me dis que plus on va en parler et plus ce sera connu de toutes. Maintenant, quand j’ai des amies qui m’annoncent qu’elles sont enceintes et que c’est leur premier enfant, je leur raconte en détails mon post-partum. Je ne les oblige pas, je leur demande avant si elles veulent savoir, et de toute façon elles sont quasiment toutes au courant de ce que j’ai traversé. Il y a deux-trois personnes qui m’ont envoyé des messages pour me dire « merci de m’en avoir parlé parce que si je ne l’avais pas su, je serai encore en train de sombrer à l’heure actuelle. » et ça fait plaisir ! 

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