L’incontinence urinaire, on en parle !
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Dans l’incontinence urinaire, le premier tabou à surmonter, c’est la parole. La fuite urinaire est souvent perçue comme dégradante. « Comment, vous ne maîtrisez pas votre corps ?! » : c’est ce que ceux qui en souffrent ont peur de s’entendre dire. À tous ceux-là, le kiné Pascal Blondelle leur dit : « Vous n’êtes pas seul, osez, il y a des solutions ! ».
Pascal est kiné, spécialiste de la rééducation pelvi-périnéale. Il reçoit des femmes, des hommes et des enfants qui souffrent d’incontinence. Sa méthode, c’est de s’intéresser à la personne dans son ensemble, et pas seulement au périnée. Un podcast pour comprendre l’incontinence et dépasser les tabous, proposé par Fess’nett.
Je m’appelle Pascal Blondelle, je suis masseur-kinésithérapeute, et thérapeuthe manuel. On peut distinguer deux types d’incontinence : urinaire et fécale. Celui dont on parle le plus est l’incontinence urinaire : c’est une perte involontaire, incontrôlée d’urines. Ce peut être quelques petites gouttes sur un fou-rire, jusqu’à une vidange complète de la vessie.
Sur les formes d’incontinence, schématiquement on en décrit 4 :
- L’incontinence d’effort, avec une mauvaise répartition des pressions. Notamment lorsque vous allez faire un effort : du sport, sauter, faire du trampoline, tousser avec une bronchite. Là, c’est de l’effort pur.
- L’hyperactivité vésicale, qui est une contraction irrépressible de la vessie et qui peut arriver dans un laps de temps très très court.
- L’incontinence mixte, qui est un panachage des deux : à la fois une incontinence d’effort et une hyperactivité vésicale. L’une des deux pathologies prenant, en général, le dessus sur l’autre. Chez les hommes par exemple, après une chirurgie d’ablation de la prostate, ce que l’on appelle une prostatectomie totale, vous aurez une hyperactivité de la vessie qui prendra le pas plutôt sur l’incontinence d’effort.
- Les incontinences par regorgement : c’est la principale cause d’incontinence chez l’homme. Elle est dûe à une augmentation du volume de la prostate.
Voilà schématiquement les 4 grands types d’incontinence.
Malheureusement pour la femme, elle représente quand même le gros de la troupe, si je puis dire, de part la constitution anatomique. On a un urètre qui est très court, 2/3 centimètres chez la femme. On est quasiment en direct entre la vessie et le bout de l’urètre que l’on appelle le méat, la sortie. Tout le plan pelvien chez la femme est coupé en deux par la vulve, ce qui donne une faiblesse musculaire. Il y a aussi la grossesse, l'accouchement qui peut être traumatique. La femme, à partir de 50-60 ans, rentre en ménopause. On a tendance, chez ces femmes ménauposées, à leur proposer des traitements hormonaux locaux pour bien imprégner la muqueuse. Notamment cette muqueuse antérieure qui communique avec l’urètre et la vessie. On gagne facilement 10% sur l’incontinence, ce qui n’est pas négligeable.
Je crois que la première chose à faire est de consulter son médecin, lui en parler. C’est un professionnel de santé capable de tout entendre. C’est à huis clos et cela ne sort pas de son cabinet. Il va vous donner un traitement de première intention, ou vous envoyer chez un spécialiste. On peut aussi en parler à son gynécologue quand on est une femme. Bien souvent, les gynécologues posent la question : “Avez-vous des problèmes urinaires ?” “Avez-vous une constipation ?” “Avez-vous une gêne au niveau génital pour les descentes d’organes ?“. Déjà, on vous tend la perche. On est capables de vous proposer des traitements d’hygiène de vie, pour commencer. Cela va très certainement diminuer l’hyperactivité que vous présentez. On peut faire de la rééducation chez un kiénsithérapeute ou chez une sage-femme, ou en cas d’échec jusqu’à la chirurgie. Il y a des solutions, mais encore faut-il en parler.
Qu’est ce que la rééducation pelvi-périnéale ? C’est une rééducation de prise en charge des troubles pelviens tant urinaires que gynécologiques, que digestifs. Le plan pelvien, c’est un tout. Ce n’est pas parce que vous venez avec une incontinence urinaire que l’on ne va pas non plus s’interroger sur toute votre statique pelvienne. Effectivement, vous pouvez avoir une constipation : si elle passe inaperçue, on pourra toujours essayer de traiter et faire des séances, cela n’aboutira à rien. Cette rééducation prend en charge, globalement, la sphère pelvienne, au niveau musculaire et sphinctérien. Et je pense qu’il faut aller encore plus loin : on s’aperçoit maintenant que les patients qui ont ces troubles, ont bien souvent des entrées posturales : un décalage au niveau des yeux ou des dents et des mâchoires, ou de positionnement des pieds. Cela va nous amener à trouver des décalages ostéo-articulaires, et des spasmes des hypertonies musculaires sur tout le corps qui vont venir interférer sur le plan pelvien, puis provoquer ou accentuer la pathologie de l’incontinence urinaire. Par exemple, je vais avoir au niveau de mon bassin, ce que l’on appelle la crête iliaque (le côté du bassin) qui s’est projeté vers l’avant, et cela va mal positionner mon périnée. Mon périnée, cette musculature qui s’attache du coxxys jusqu’au pubis, qui nappe le fond vaginal pour la femme, qui prend d’assault l’urètre et est attaché au niveau anal. Cette musculature droite/gauche va être décalée et on va se retrouver avec un dissymétrie. Par exemple, le côté droit du périnée en surtension et le côté gauche distendu. Lorsque je vais vous demander de contracter pour retenir, vous allez en être incapable et on vous dira : “Madame, vous ne savez pas contracter votre périnée”. Ce qui est totalement faux ! Vous n’avez pas la possibilité de contracter votre périnée : ce n’est pas que vous ne savez pas, mais vous n’y arrivez pas. Cela entretient les troubles pelviens. Il faudra avant tout faire un travail sur la statique pelvienne, recaler les éléments, diminuer le tonus de certains muscles, pour ensuite aborder mon plan pelvien. Sur le plan respiratoire aussi. Vous voyez, c’est tout une chaîne le plan pelvien ! Ce n’est pas juste le périnée.
Sur le plan respiratoire, bien souvent nos patients sont dans la même configuration, que ce soit les hommes, les femmes et les enfants : ils sont en inversion de commande. Ce que l’on appelle un asynchronisme abdomino-périnéal, j’ajouterai même diaphragmatique et pharyngé. Je m’explique ! Lorsque vous demandez à quelqu’un de tousser, en général physiologiquement il rentre le ventre. Vous vous apercevez malheureusement et majoritairement que nos patients vont sortir le ventre : cela veut dire qu’il vont pousser avec le diaphragme. Un muscle aspirateur très puissant qui se trouve schématiquement sous les côtes. Ce sont deux grosses coupoles musculaires, qui vont pousser vers le bas la masse viscérale. Qui, elle, est incompressible et qui va transmettre cette forte pression au niveau du plan pelvien. Ce qui va favoriser la descente d’organes, la fuite, la constipation car vous n’êtes pas capable de pousser correctement si votre diaphragme est trop descendu. Et cela, il faut absolument en tenir compte et commencer sa rééducation par éliminer ces asynchronismes, cette mauvaise coordination entre l’inspiration et l’expiration. C’est fondamental. Voilà en quelque sorte ce que peut être la rééducation.
Je pense aussi qu’il faut aller vers du dynamique. On a tendance à laisser les gens sur une table avec une sonde vaginale ou anale, ce qui n’est pas très agréable, tout en les faisant travailler en contraction. Je pense, au contraire, que les incontinences sont liées à l’activité. Il faut donc être au plus prêt de ce qui va provoquer le trouble : mettre les gens en charge, en dynamique, et ne pas les laisser allongés sans bouger.
Dans notre unité, à Bel Air, nous travaillons avec ces patients sur des reprises en charge très très rapides, sur des appareillages qui nous permettent de les déséquilibrer. Notamment, on a ce que l’on appelle des “serious games” : des jeux-vidéos où les gens vont rentrer dans un jeu de rafting où il faut descendre un torrent, aller chercher des quilles, faire des pas chassés, sauter, etc. C’est là qu’on les reprogramme : “ Ah mais là madame, vous n’avez pas rentré le ventre, donc vous allez avoir une fuite. Si vous aviez soufflé et rentré le ventre, vous auriez limité les problèmes.”, et ainsi de suite. Lorsque je vais courir, je regarde les gens faire leur jogging, et je vois qu’ils respirent avec leur abdomen : ils rentrent et sortent le ventre. Chez la femme, qui a déjà une faiblesse pelvienne, elle va vers des ennuis importants de descente d’organes et d’incontinence urinaire d’effort. C’est ce que l’on essaie de reprogrammer, tant chez la femme plus agée ou la femme sédentaire. Vous voyez, on part d’une musculature et on arrive à faire une rééducation tête-pieds.
Si l’on veut éviter l’incontinence, ce que l’on appelle la prévention, chez la femme enceinte par exemple le ministère des sports depuis plusieurs années a édité une petite plaquette sur l’activité physique et la femme enceinte. La femme enceinte peut faire du sport, peut avoir une activité physique quotidienne, avec certaines restrictions. Je pense que c’est un élément important qui les amène finalement à une grossesse épanouie et à se poser les bonnes questions après l’accouchement. Il y a, pour ces femmes enceintes et avec les sages-femmes qui font un travail remarquable, toute une activité rééducationnelle pré-accouchement. Où l’on va leur apprendre les bases pour accoucher par voie basse ou par césarienne, mais aussi les amener vers un objectif post-accouchement au-delà de la périnatalité. Chez l’homme, nous faisons aussi de la prévention. Nous avons édité des petits livrets sur les risques encourus après une chirurgie. Il y a même des vidéos.
Ce que l’on peut dire en complément, c’est avoir une bonne hygiène de vie, s’hydrater, éviter de se constiper, et avoir une alimentation adéquate. Pour les patients qui auraient tendance à avoir des petites envies préssentes, ce serait d’éviter les boissons gazeuses comme les sodas, éviter le vin blanc, le champagne… à boire avec modération. Pour les enfants, c’est aller régulièrement uriner. Si il y a des soucis pendant l’école, c’est voir avec le corps enseignant si il peut aller aux toilettes. Certains ne peuvent pas tenir et attendre un intervalle de cours. Ils vont alors avoir des fuites et cela est vraiment honteux car ça les met dans des situations délicates et on les voit en échec scolaire. C’est la risée de la classe, le maître ou la maîtresse qui n’a pas compris et qui va les punir. Or, ils y sont pour rien. Lorsqu’on les voit en rééducation, la première chose qu’on leur dit que ce n’est pas de leur faute : leur vessie est immature, petite et pas suffisamment développée. Il faut qu’ils aillent faire pipi plus que la moyenne. Et pour cela, il faut avoir l’autorisation de sortir pendant la classe, et pas simplement pendant la récréation. Dans la prévention, éviter le stop-pipi ou le stop-test. C’est à dire que vous allez uriner et, sous prétexte d’avoir un bon périnée, vous coupez le jet. Seulement, après il faut pouvoir re-déclencher la miction, vous allez donc pousser. Vous allez forcer et cela n’a aucun intérêt : cela ne muscle pas le périnée plus que ça. Nous sommes programmés pour uriner en plein jet et le stop-pipi crée des infections urinaires à répétition.
Si vous présentez un signe évoqué lors de cet entretien : consultez ! Il faut en parler et ne pas rester dans son coin. C’est + de 3 millions de patients qui sont comme vous. Ce n’est pas honteux d’avoir une incontinence, c’est une pathologie comme tant d’autres, qui se soigne très bien aujourd’hui.
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